latin : proscenium, du grec proskênion, de skênê, avant-scène

Spectacle vivant : la réalité virtuelle s’en mêle

paul-maccartney-jaunt-vr-virtual-reality-cinematic-vr-oculus-riftVoir se « matérialiser » un véritable hologramme en 3D dans les airs au milieu de son salon relève encore du fantasme. Les dispositifs mis en œuvre aujourd’hui reposent sur la projection d’une image en 3D sur un plan 2D, et nécessitent un support de réflexion pour donner l’illusion que l’image en trois dimensions flotte dans les airs. A moins de revêtir un casque de réalité virtuelle.

Le groupe de rock anglais Kasabian s’est prêté à la captation d’un de ses concerts dans la salle omnisports 02 Arena à Londres, par un ensemble de caméras à 360° disposées en différents points. Un simple casque de réalité virtuelle comme le Gear VR de Samsung permet de revivre le concert de manière immersive, depuis la fosse, la tribune de presse ou la scène. La casque Oculus Rift développé par la compagnie Oculus VR, rachetée 3 milliards de dollars par Facebook, offre une expérience encore plus immersive, du fait de la très courte latence dont il fait preuve dans le suivi des mouvements, et de l’importance du champ de vision offert.

En 2014, le constructeur automobile Lincoln a financé la captation à 360°, dans une salle de concert de Los Angeles équipée d’une scène centrale, de l’interprétation de la chanson Sound and Vision de Bowie par le chanteur américain Beck, accompagné de 170 musiciens et choristes. Un dispositif de captation du son en 3D a été utilisé, mettant en œuvre une technique d’enregistrement binaural qui joue sur les propriétés psychophysiologiques de l’audition humaine pour restituer une spatialisation sonore au plus près de l’écoute naturelle. Il suffit ainsi à l’auditeur qui a revêtu un casque Oculus Rift de se tourner vers une des sections de l’orchestre disposées de manière concentrique autour de la scène, pour avoir la sensation de percevoir le son en provenance de cette direction. Comme dans la vie réelle, le son des instruments les plus proches de la position virtuelle de l’auditeur prédomine.

Du live immersif sur les smartphones

La réalité virtuelle ne brille pas toujours par la qualité des images, dont on distingue encore trop souvent les pixels, avec des zones de flou dans les mouvements. Les capacités de calcul des ordinateurs et autres périphériques restent encore sous-dimensionnées pour le traitement d’une image haute définition à 360°. Mais avec les premiers prototypes du casque dernier cri Oculus Rift HD, qui coûtent entre 300 et 400 dollars, les distorsions disparaissent. L’image est d’assez bonne qualité et devient plus fluide. Elle reste nette dans les mouvements, et sa qualité devrait encore s’améliorer avec la prochaine génération, dont la disponibilité est prévue pour fin 2015. L’immersion audio est également de la partie, avec une très bonne restitution du son spatial en 3D, y compris avec de simples écouteurs.

Alors qu’elles sont longtemps restées tributaires de lourds équipements branchés sur des super-ordinateurs, les expériences de réalité virtuelle sont désormais accessibles sur un simple smartphone, avec des accessoires d’immersion comme le Gear VR de Samsung, ou qui peuvent être encore meilleur marché – d’un coût de quelques dizaines d’euros à peine. Développée par deux Français pour le compte de Google, la technologie CardBoard divise l’écran du smartphone en deux images et permet ainsi de recréer l’expérience immersive de la réalité virtuelle grâce à un casque en carton livré en kit, dans lequel on insère son appareil. Le Français Archos commercialise depuis fin 2014, au prix de 30 euros, un casque de réalité virtuelle en plastique de conception chinoise qui fonctionne sur le même principe. Rien à voir avec les dizaines de milliers de dollars qu’il fallait investir dans un équipement de base dans les années 90, pour une expérience beaucoup moins qualitative.

Il n’en fallait pas plus pour que des artistes commencent à proposer des applications mobiles offrant une expérience immersive de certaines de leurs prestations live, à l’instar de Jack White et de son appli Jack White : Third-D, sortie fin 2014, qui permet de revivre en totale immersion, sur n’importe quel smartphone Android de dernière génération – avec vidéo à 360° et son 3D -, son interprétation des titres Freedom at 21, Ball and Biscuit et Dead Leaves and the Dirty Ground en concert. Paul McCartney lui avait volé la vedette quelques mois plus tôt, en commercialisant sur Google Store une captation à 360° de son interprétation de la chanson des Wings Live and Let Die, réalisée lors d’un concert au Candlestick Park de San Francisco en août 2014. « Je viens de voir le futur », avait déclaré l’artiste après avoir assisté à la démonstration qui l’a convaincu de tenter l’aventure.

Vers un écosystème à 360°

Les anglais de The Who ont eux aussi eu à cœur de repousser un peu plus loin les frontières du rock’n’roll, en réalisant une application immersive permettant de visiter le musée multimédia de leurs 50 ans de carrière. « Je ne suis pas fan des smartphones, a confié leur chanteur Roger Daltrey, mais je dois reconnaître qu’ils ouvrent tout un champ de possibles en matière de divertissement et d’éducation. […] Cette application va permettre à nos plus jeunes fans de découvrir tout ce qu’ils veulent savoir sur notre histoire, et j’espère que nous aurons aussi des retours positifs de nos vieux fans. »

D’autres artistes, comme la chanteuse américaine Taylor Swift ou le crooner suédois José Gonzales, ont pris le parti de tourner certains de leur vidéo clips avec des caméras à 360°, afin de pouvoir proposer une expérience immersive à leurs fans. « Il s’agit d’amorcer le développement de tout un éco-système », confie à Billboard Jens Christensen, le PDG de la start-up californienne Jaunt, qui a développé ses propres équipements de captation audio en 3D et vidéo à 360°, et réalisé l’appli de réalité virtuelle de Paul McCartney. Une première production officielle que Jaunt brandit comme un étendard. La musique sera t-elle un des vecteurs, aux côtés du jeu vidéo, de l’adoption massive de la réalité virtuelle par le grand public ? « [Cette appli] est une invitation à l’action adressée à la communauté créative, à qui nous disons : regardez ce que nous sommes capables de faire, poursuit Jens Christensen. Ce n’est pas tous les jours que l’on voit apparaître un nouveau média. »

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