latin : proscenium, du grec proskênion, de skênê, avant-scène

Les hologrammes montent sur scène

Biggie2a_Centre

Idoles défuntes, stars disparues, elles sont de plus en plus nombreuses à ressusciter sous la forme d’hologrammes et à vouloir remonter sur scène. Avec des projets de concerts ou de spectacles intégraux.

Si le business s’en mêle, c’est que les affaires deviennent sérieuses. La compagnie canadienne ARHT Media, qui compte le chanteur Paul Anka parmi ses investisseurs, vient de signer l’exploitation exclusive des droits de l’hologramme de Notorious BIG : l’un des plus grands MC de l’histoire, assassiné le 9 mars 1997 à Los Angeles. Le clone numérique de Christopher Wallace, dit “Biggie”, devrait apparaître dans le premier clip vidéo de la compilation de duos « King and I » que s’apprête à sortir la chanteuse Faith Evans, ex-femme du MC de Brooklyn. Son hologramme devrait la rejoindre sur scène lors de la tournée qui va suivre.

« Humagrams »

ARHT Media (pour Augmented Reality Holographic Technology) utilise une technologie de reconstitution des volumes à partir de plusieurs plans, héritée de l’imagerie médicale en 3D. Elle permet de créer de pseudo-hologrammes baptisés “humagrams”, qui s’affichent sur des écrans de sa fabrication : sur une scène, sur des panneaux publicitaires, ou dans des points de vente virtuels. Au bout d’un temps d’acclimatation, l’œil perçoit une image en trois dimensions. « Nous avons déjà créé notre hologramme de Franck Sinatra », confie Paul Anka au Vancouver Sun. La compagnie, née il y a dix-huit mois à peine à Toronto (Canada), a déjà ouvert des bureaux à Los Angeles. Elle a à son actif le « holoportage » réussi d’une conférence du coach américain Tony Robbins aux quatre coins de la planète. « Il était assis quelque part en Floride et des milliers de personnes l’ont vu en Australie », s’extasie le chanteur.

Hologram USA, principal concurrent de ARHT Media, est tout à la préparation d’une tournée de la chanteuse Whitney Houston, disparue en 2012. Devenue propriétaire de la technologie de l’anglais Musion Technology, opérateur de la résurrection du rappeur Tupac Shakur lors du festival américain Coachella en 2012, Hologram USA propose de réaliser le clone numérique de plein pied d’une star disparue pour un coût 150 000 livres, en recourant à sa solution de conception 3D et à la capture de mouvements (motion capture). Comme ARHT Media, la compagnie fabrique ses propres écrans 3D, et des dispositifs d’affichage sur film de polymère translucide dimensionnés pour différentes applications, de la conférence professionnelle à la session de formation, en passant par les concerts « holoportés ».

Mélanger le réel et le virtuel

En France, plusieurs hologrammes seront sur le devant de la scène début 2017 : ceux de Claude François, Mike Brant, Sacha Distel et Dalida. Ils seront les vedettes, du 12 janvier au 26 février, d’une comédie musicale baptisée « Hit Parade », mise en scène comme une émission de variétés à la télé dans les années 70. Les quatre idoles des sixties parleront, chanteront et danseront comme si elles étaient vivantes, au milieu de douze danseurs, quatre comédiens et six musiciens bien portants. “On ne pourra pas distinguer le réel du virtuel”, promet au Parisien David Michel, le promoteur de ce spectacle d’un nouveau genre, qui s’est associé à la société française Mac Guff, l’un des principaux studios de création d’effets visuels numériques en Europe. Le moindre défi à relever sera de parvenir à produire un spectacle entier dont les vedettes sont des hologrammes, quand la plupart des prestations réalisées jusque là ne duraient que quelques minutes : “Un spectacle entier d’une heure trente, c’est une première mondiale », reconnait-il.

Pour réaliser un clone virtuel des artistes disparus, les équipes de Mac Guff se sont servies de la technologie de motion capture – des capteurs disséminés dans une combinaison enregistrent tous les mouvements d’une doublure – et se sont appuyés sur des photos d’archive pour obtenir un rendu le plus fidèle possible des visages. Les phonèmes de leur voix ont été isolés dans des interviews par l’IRCAM (Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique), de manière à pouvoir la reconstituer et mettre de nouvelles paroles dans leur bouche. “Quand on a vu la démo, on a eu un coup de cœur, l’effet produit est vraiment magique. Depuis que je l’ai vue, je n’ai plus qu’une envie : découvrir mon oncle sur scène !”, confie au Parisien Yona Brant, la nièce du chanteur de Qui saura.

Pour en savoir plus :

De nouvelles réalités augmentées et un expérience enrichie de la culture, « Spectacle et numérique : penser et agir ensemble », livre blanc, Proscenium, 2015, page 62

A propos